Warden, un patrimoine à découvrir

par Richard Racine dans Patrimoine | 2 commentaires

Warden est un petit village de facture anglo-saxonne où toute une époque est encore inscrite dans le patrimoine. Structuré depuis le milieu du XIXe siècle autour du pouvoir d’eau et de quelques services de première ligne, l’agglomération a gardé certains des traits immobiliers typiques de cette époque révolue. La présence des églises méthodiste (1861) et anglicane (1892) et quelques belles maisons donnent à l’endroit un cachet qui en fait un arrêt incontournable sur la route du patrimoine régional.

Église Warden United

United Church de Warden

L’église méthodiste (United). (Photo: Chantal Lefebvre, SHHY, 2007)

L’église méthodiste de Warden a été construite en 1861-1862 sur un terrain vendu 100 $ par Mark Whitcomb aux représentants de la communauté. L’édifice, qui n’est pas sans rappeler les meeting house de la Nouvelle-Angleterre, est entièrement en brique, assis sur une fondation surélevée en pierres des champs.

En 1930, soit cinq années après l’adhésion des méthodistes à l’Église Unie du Canada, les dirigeants locaux décidaient de procéder à d’importantes rénovations à l’intérieur de l’église, entre autres en remplaçant les quatre poêles par un système de chauffage central et les lampes à l’huile par l’éclairage électrique.

En 1968, plus de cent ans après son inauguration, la communauté prenait la décision de fermer la petite église de Warden. Six ans plus tard, le temple était transformé en résidence. Or, contre toute attente, il retrouvait sa vocation religieuse en 1981 en devenant la propriété d’une communauté évangéliste francophone.

Édifice Draper-Richardson

Magasin général Richardson

Magasin général et bureau de poste. (Photo: Chantal Lefebvre, SHHY, 2007)

Tout permet de croire que cet édifice patrimonial en pierre et en brique est l’un des plus anciens de Warden et de toute la Haute-Yamaska. Les sources nous permettent d’en retracer l’existence jusqu’en mai 1856, quand le « brick and stone store », qui appartient alors à Lyman Draper, est clairement mentionné dans un contrat notarié. Il est donc fort probable que la construction de l’édifice date de la première moitié des années 1850.

En 1861, les listes du recensement canadien nous apprennent que le magasin général a changé de main et appartient désormais à un certain E. W. Moffat. Sept ans plus tard, un autre acte notarié nous informe que le commerce opère sous la raison sociale de Richardson & Tittemore. Lewis E. Richardson, dont il est fait mention ici, restera associé au commerce jusqu’à sa mort, en 1906. Comme son père, qui avait été le deuxième maître de poste de Warden, entre 1854 et 1862, Lewis E. Richardson occupera cette fonction durant trente-deux années, de 1874 à 1906.

Église anglicane St.John the Divine

L’église anglicane de Warden Québec.

L’église anglicane. (Photo: Chantal Lefebvre, SHHY, 2007)

Construite en 1891-1892 sur un terrain ayant appartenu à Jean-Baptiste Morin, d’après les plans du révérend R. F. Taylor, l’église anglicane St. John the Divine fut inaugurée le 19 mai 1892. L’intérieur de l’église, dont le plancher est fait de bois franc, peut accueillir alors quelque deux cents fidèles. Le mobilier sacré, l’autel et la chaire, entre autres, sont l’œuvre d’un artisan local, James McLaughlin. En 1927, un généreux donateur paiera les coûts d’installation du système électrique.

Au fil des ans, la population anglicane de Warden décline et l’église St. John the Divine accueille de moins en moins de fidèles, jusqu’à devoir fermer ses portes le 22 octobre 1992. L’archevêque anglican de Montréal vendra la propriété l’année suivante.

Maison Marston

La maison construite par George Marston, en 1878. (Photo: Chantal Lefebvre, SHHY, 2007)

L’histoire de la maison Marston débute en quelque sorte en 1872, lorsque le charpentier J. W. Wallace vend à George Marston, lui aussi charpentier, un lot d’un quart d’acre avec une boutique de forge et autres bâtiments. Selon le témoignage de Mary Irene McLaughlin-Sicard, c’est ce même George Marston, son grand-père maternel, qui aurait construit la maison actuelle, en 1878. Deux décennies plus tard, avec l’achat des lots de village 623 et 624, Marston ajoute à son patrimoine un moulin à scie, incluant tous les outils et toute la machinerie, et un barrage, avec droit d’inonder les lots qu’il vient d’acquérir.

George Marston décède en 1924. En 1930, Mary Louisa Bowker, son épouse, cède la maison à sa fille, Carrie E. Marston. Cette dernière, épouse de James McLaughlin, décède en 1939, et c’est John T. Flanagan qui achète la propriété des héritiers, en 1945. Il la revendra à Vernal Lewis dès 1947.

En 1971, on assiste en quelque sorte à un retour aux sources lorsque Mary Irene McLaughlin-Sicard, la fille de James McLaughlin et de Carrie Marston, rachète la propriété qui avait été construite par son grand-père près d’un siècle plus tôt. Paul Sicard, le fils de Mary Irene McLaughlin-Sicard, en hérite en 1995, assurant ainsi la tradition.

Maison McLaughlin

La maison de William McLaughlin, Warden

La maison de William McLaughlin, propriétaire de la fabrique de voitures Wm McLaughlin and Son. (Photo: Chantal Lefebvre, SHHY, 2007)

En 1864, le forgeron William McLaughlin acquiert un lot d’une demi-acre de Hiram S. Foster et de Mark Whitcomb pour la somme de 63 $, « with the buildings thereon erected by the said purchaser and at his own expenses. ». Cette dernière phrase laisse supposer qu’au moment de la signature du contrat, McLaughlin avait déjà construit sa résidence sur le lot. Il est même probable qu’il s’agisse de la maison de brique d’un étage et demi dont fait mention le recensement de 1861. Cette résidence ne présente toutefois aucun lien avec la maison actuelle, certaines caractéristiques architecturales laissant présager que la construction remonterait aux années 1875.

Quoi qu’il en soit, en 1891, William McLaughlin, âgé de soixante-deux ans, demeure bien dans une maison en brique de deux étages construite au sud du chemin qui mène à Sherbrooke et en face de l’emplacement où est établie son entreprise de fabrication de voitures la Wm McLaughlin and Son. Dix ans plus tard, on le retrouve au même endroit, mais James McLaughlin et Carrie Marston, son fils et l’épouse de ce dernier, vivent avec lui. Détail intéressant, c’est James McLaughlin qui aurait construit le Warden Water Works, le réservoir d’eau municipal, sur sa propriété. Finalement, c’est à sa fille Melissa et au mari de cette dernière, Albert Whitcomb, que William McLaughlin vendra sa maison de Warden, en 1907. La même transaction inclut aussi une terre de cent-quarante acres située à l’extérieur du village. Après l’avoir occupée pendant vingt-cinq ans, Melissa McLaughlin-Whitcomb vendra la propriété à Arthur Sheppard, un employé du chemin de fer.

Richard Racine, avec la collaboration de Mario Gendron.
Source: Étude du patrimoine rural de la MRC de la Haute-Yamaska, Mario Gendron, Chantal Lefebvre, Johanne Rochon, Richard Racine, Marie-Christine Bonneau, Société d’histoire de la Haute-Yamaska, Granby, 2007, 346 p.

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  1. luc bernier

    L’évocation des églises méthodiste et anglicane de Warden m’a amené à me pencher sur les communautés francophones et irlandaises qui en ont fait partie.
    Pour ce qui est des francophones convertis, les recherches révèlent que

    « La plupart des protestants d’origine française avaient adopté la religion de la majorité : ils étaient méthodistes, anglicans ou, dans une moindre mesure, baptistes. » HUDON, Christine, , “Prêtres et fidèles dans le diocèse de Saint-Hyacinthe, 1820-1875 », Septentrion, , Sillery, 1996,p.39 ( 469p.)
    Selon le recensement de 1871, ils représentaient 8% de la population du comté de Shefford (Recensement de 1871, bobines c-10072, c-10073,c-10074, c-10089, c-10090).

    En ce qui a trait à la communauté irlandaise, je fus grandement surpris de constater que les conversions au protestantisme furent encore plus importantes. Selon Mme Hudon,

     » Les sondages effectués dans les recensements pour l’année 1871 montrent(…) qu’une minorité d’Irlandais professaient la religion catholique. Comme c’était le cas dans l’ensemble du Canada, la plupart des Irlandais des Cantons de l’Est étaient anglicans ou méthodistes. Dans Shefford par exemple, 38% seulement des 1133 Irlandais se disaient catholiques. La très grande majorité des protestants étaient affiliés à l’Église d’Angleterre qui regroupait 50% des Irlandais de ce canton (82% du groupe protestant » Ibidem. p.42.

    Puisque dans les 50 dernières années, un bon nombre de francophones du comté de Shefford ont quitté l’Église catholique pour se joindre à des églises protestantes, il m’a semblé intéressant d’attirer l’attention sur les précédents du XIXe siècle.

    Je profite de cette occasion pour féliciter M.Racine et l’équipe de la SHHY. Par le choix et la qualité de leurs articles, ils attireront de plus en plus de lecteurs dans l’avenir. J’en suis convaincu.

    Luc Bernier

  2. luc bernier

    Un référence statistique pour l’ensemble du Canada, confirme les données du premier commentaire:

    Tableau 2 – Composition ethnique des anglophones canadiens des principales dénominations religieuses en 1871 (en %)
    Religion
    Anglais
    Écossais
    Irlandais
    Allemands
    Autres
    Catholiques
    4,6
    12,5
    76
    3,9
    3,1
    Méthodistes
    46,1
    9,2
    28
    11,6
    5,1
    Presbytériens
    7,2
    65
    24
    2,2
    1,6
    Anglicans
    49
    5,6
    37,6
    5,3
    2,5
    Baptistes
    54,7
    14,2
    15,2
    8,3
    7,6
    Source : Tableau traduit et reproduit intégralement de Murphy et Perin (eds.), A Concise History of Christianity in Canada, p. 264. Les auteurs ont puisé leurs données dans A. Gordon Darroch et Michael D. Ornstein, “Ethnicity and Occupational Structure in Canada in 1871 : The Vertical Mosaic in Historical Perspective”, Canadian Historical Review, 61 (1980), p. 312.

    Ces statistiques sont tirées de la thèse de doctorat :

    MÉLANIE LANOUETTE
    PENSER L’ÉDUCATION, DIRE SA CULTURE
    Les écoles catholiques anglaises au Québec, 1928-1964
    Thèse présentée à la Faculté des études supérieures de l’Université Laval
    dans le cadre du programme de doctorat en histoire
    pour l’obtention du grade de Philosophiæ Doctor (Ph. D.)
    FACULTÉ DES LETTRES
    UNIVERSITÉ LAVAL QUÉBEC
    DÉCEMBRE 2004
    p.49

    Luc Bernier

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